
Mavi Boncuk |
« Winter Sleep » : le pouvoir révélateur de la neige
LE MONDE | Par Thomas Sotinel
Pourquoi quitter l'été pour l'hiver ? Pourquoi s'enfermer pendant trois heures et quinze minutes dans l'enfer d'un couple au moment où le calendrier et ses usages nous invitent à nous ébattre au soleil ? Parce que Winter Sleep a obtenu la Palme d'or ? C'est un argument. Parce que le film de Nuri Bilge Ceylan est celui d'un artiste en pleine possession de ses moyens ? Celui-là est plus convaincant. La vraie raison tient plutôt à la puissance des émotions que cette longue projection fait naître, quand bien même elles ne sont pas toutes exaltantes. Ce sommeil d'hiver n'a rien d'une hibernation, il est traversé de rêves brisés et de frissons de fièvre, strié d'éclairs de beauté sidérants, qui viennent illuminer de longs moments de souffrance.
On reconnaîtra dans Winter Sleep bien des éléments du cinéma de Nuri Bilge Ceylan – sa faculté presque surhumaine à toujours trouver le cadrage juste, celui qui donne une idée immédiate de la situation (physique, émotive, mentale) des personnages, de la distance qui les sépare s'ils sont plusieurs, de leur rapport au monde à ce moment-là ; son attirance pour la neige et son pouvoir révélateur, qui force les êtres à se détacher sur un monde auquel elle confère une beauté uniforme.
INSPIRÉ PAR TROIS NOUVELLES DE TCHEKHOV
Mais Winter Sleep ne vient pas seulement enrichir la filmographie de Ceylan d'une nouvelle variation. Cette fois, la parole y tient un rôle prépondérant. Le scénario qu'ont écrit le cinéaste et Ebru Ceylan, son épouse, est inspiré par trois nouvelles...